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Diane Groseille
30 juin 2015

Ces inconnus familiers.

Sur les réseaux sociaux, j'ai des "amis" que je n'ai jamais vus. Au milieu de mes amis proches, de mes anciens élèves, de mes collègues de travail, se sont glissés des inconnus qui n'en sont pas vraiment. Des inconnus familiers.

Il y a quelques semaines, alors que je venais de poster une photo de moi bien ridicule, l'un de ces amis, qui n'est autre qu'un ancien lecteur de mon blog (s'il passe ici, je suis sure qu'il s'arrêtera sur le mot "ancien", il y verra une allusion maladroite à son "grand âge" alors que j'y vois la fidélité), me dit alors (non, non, on ne se parle pas sur facebook, mais on croit qu'on le fait) : "Ta photo (...) m'a fait rire, va savoir pourquoi. (...) Tu es probablement la personne au monde que je connais sans jamais l'avoir rencontrée depuis le plus longtemps". Je reproduis ici ses mots qui m'ont émue et poussée à réfléchir (la réflexion était d'ailleurs la question centrale de la photo ridicule), sans son autorisation au passage, mais saura-t-il me pardonner ?

Les réseaux sociaux sont fascinants. Ils savent rapprocher des gens qui ne se connaissent pas. Des connaissances pourtant. Lui, Sébastien, je le connais. Enfin, je crois le connaître. Je connais son identité, son métier, sa ville, ses envies, ses délires. Je sais reconnaître son visage, ses yeux que j'ai vus sur plusieurs photos, lorsqu'il rit, lorsqu'il est sérieux. Plusieurs mails, fut un temps, avaient été échangés, où nous parlions de nous, de nos craintes, de nos joies, de nos espoirs. Peut-être qu'il est simplement plus facile (notez la redondance) de se livrer lorsque s'interposent des écrans de protection. On se découvre, on se dénude, bien plus librement que face à un corps, qui est là en face de nous, qui nous écoute, qui respire, qui sent...

Il en est de même pour la fidèle Emmanuelle avec laquelle des messages ont souvent été échangés. Je sais beaucoup de choses à son sujet. Mais est-ce que ça fait d'elle quelqu'un que je connais vraiment ? J'aime tant sa façon d'écrire, de se confier, avec humour et naturel. Elle vient de donner naissance à deux petits garçons et j'ai été très touchée de l'apprendre. Plus sans doute que lorsqu'il s'agit de personnes que je connais vraiment.

Et Elle, ma voisine pianiste qui laisse ici si souvent des commentaires bienveillants. Saurais-je la reconnaître dans la rue, elle qui vit dans la même région que moi ?

Et tant d'autres avec moi ici partagent...

Connaître vraiment ? Cela exige la connaissance du corps ? Parce que non, je ne sais pas si toutes ces personnes qui me lisent, qui interagissent avec moi dans la virtualité sont plus grandes ou plus petites que moi. Leurs voix sont elles agréables ? Aiguës ? Graves ? Parlent-elles vite ? Ont-elles un accent ? Ont-elles une odeur ? Un parfum particulier ? Comment se déplacent-elles ? Je n'en sais rien... Mais ai-je besoin de le savoir pour prétendre les connaître ? Et elles, ces personnes, que savent-elles vraiment de moi ? Me connaissent-elles, parce qu'elles lisent ici ce que je choisis de dire de moi ?

Mon amie très proche B. (dont je connais la voix et le rire rond, la taille, le mouvement de ses hanches, sa façon de passer sa langue sur ses lèvres juste avant de dire une bétise, en roulant des yeux au ciel, son parfum sucré) m'a demandé en cette fin d'année de relire son mémoire d'éducatrice spécialisée. Elle y évoquait avec beaucoup de justesse la question de la rencontre : ce moment si spécial où les corps se croisent, les regards se chevauchent, les visions se conjuguent. Alors a-t-on besoin de rencontrer pour connaître ? Faut-il toucher pour être touché ?

Merci à Sébastien, qui par sa remarque anodine mais chaude, un soir lumineux, a su soulever ces questions sans réponses : elles déroulent un fil entre moi et ces autres. Merci à tous les lecteurs, qui indirectement, par leur simple présence, même silencieuse, renforcent eux aussi toute cette légitimité de la rencontre et de la connaissance dans les limbes de la virtualité.

coquillage1

***


 

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29 juin 2015

Tom et l'autofiction.

Mes vacances débutent officiellement dans quelques heures. Demain midi exactement. Le mois de juin fut difficile, comme chaque année. Je ne sais pas trop l'expliquer. C'est toujours une tension que de travailler en pointillés. J'ai eu beaucoup de temps pour moi, sans trop savoir comment l'utiliser. Parce qu'il y a toujours cette attente, que je ne sais pas gérer. Je me retrouve épuisée par mon impatience.

table-de-chevet

Durant ces longues journées de juin, souvent vides, je prends plus de temps pour lire. Et j'ai des projets de lecture bien trop ambitieux pour cet été. Dans les stocks de mon homme, en tant que dame de compagnie lors de dernières expositions, j'ai picoré des dizaines de livres qui s'entassent au pied de mon lit.

Je lis en ce moment Tom est mort de Marie Darieussecq. J'ai acheté ce livre sur des puces, à 1€, un jour de grand soleil, dans un des plus beaux village de France, en vue des vacances à venir, parce que le titre était simple, la couverture était blanche.

Je suis entrée très vite dans ces mots. Une femme écrit dans un cahier dix ans après la mort de son fils. Elle livre ses réflexions, naturelles et authentiques, crues et violentes. Elle décortique le vide laissé par la mort, par l'accident, elle parle du néant qui suit, de la difficulté de vivre sans l'enfant. Je lis les premières pages et j'interromps ma lecture. Un peu sonnée, je me sens voyeuse dans cette lecture bouleversante, face à tant d'intimité, d'impudeur, de souffrance. Il faut que je vérifie si ce récit si "vrai" l'est vraiment. Il me faut quelques secondes pour qu'un moteur de recherche me livre le mot "autofiction". Bien sur, je poursuis ma lecture, mais je suis dérangée. Ce petit Tom qui n'est plus, n'a en fait jamais été. Je me sens un peu trahie. On m'a sali le fameux pacte autobiographique...

Je pense à Tom et me vient cet autre Tom, le Tom de Xavier Dolan, lui aussi fasciné par la mère, lui aussi objet de fiction dans ses propres films.

Je réfléchis beaucoup à l'importance d'écrire pour soi, d'écrire sur soi... Et je lis...

29 juin 2015

A l'aube des promesses.

Ma fin d'année scolaire s'accompagne comme chaque année de multiples angoisses. Certaines, raisonnées, sont dues à ces perpétuelles incertitudes et aux difficultés financières déjà présentes qui vont sans doute s'accentuer sur les trois mois à venir. D'autres, plus tacites et sourdes sont de l'ordre du rapport au corps, à la perfection, au temps, au désir, à l'enfantement... Des constantes pour moi, comme pour tant d'autres. Je réfléchis beaucoup les dernières semaines à cet empoisonnement et aux solutions qui s'offrent à moi. Je veux regarder devant et je vois comme chaque année ces longues semaines comme tant d'opportunités. Voilà quelques projets pour mon été, parce qu'il est doux de les écrire, comme des promesses que l'on se fait à soi-même :

  • Dessiner : aquarelle, croquis
  • Lire des livres (une pile qui tient de plus en plus difficilement en équilibre au pied de mon lit)
  • Lire le journal
  • Ecrire (carnet de voyage, blog, feuilles volantes, cartes postales, lettres d'amour ou d'amitié)
  • Développer mes connaissances en photo, participer à des concours, faire des sorties thématqiues, ressortir mon Diana
  • Faites quelque chose qui m'effraie
  • Me relaxer, méditer, prendre conscience du moment (j'entame la lecture fascinante du livre de Christophe André, je me trouve face à des évidences lumineuses)
  • Cuisiner (des tentatives nouvelles, pâtés et laits végétaux, nature comestible, agar-agar...)
  • Faire du yoga, travailler ma souplesse et mon équilibre, si possible, dehors...
  • Marcher, au moins une heure par jour
  • Danser
  • Courir
  • Nager
  • Faire l'amour
  • Ne rien faire
  • Boire des tisanes (j'ai encore hier cueilli de la mélisse sur le bord d'un canal)
  • Aider mon homme à faire évoluer son projet
  • M'éssayer à la céramique
  • Jongler
  • Visiter des musées de la région
  • Faire venir le cinéma à la maison, grace à notre vidéo-projecteur
  • Faire du vélo
  • Passer une journée au lit
  • Multiplier les soirées avec les amis, soirées cocktails, balade nocturne, nuits à la belle
  • Faire des balades avec les chiens de la SPA
  • Faire de l'Affut
  • Lire des articles ou des textes en italien et en anglais
  • "Photographier" des sons
  • Aller au théâtre, notamment , parce que ça fait des années que j'en ai envie
  • Prendre soin de moi, et des gens qui m'entourent, en multipliant des petites attentions simples
  • Coudre
  • Faire de l'Origami
  • ...

ciel

Je trouve par hasard cette illustration qui résume les contraintes satisfaisantes que je tente de me fixer au quotidien :

journée

23 juin 2015

Mais c'est simple pourtant...

Regarde,

comme ça te sourit,

comme ça te donne envie,

comme ça te touche au milieu,

là, oui, là.

Respire.

feuillages-nuit

ciel3

4

digitale1

moutons

 

20 juin 2015

Je questionne le temps...

C'est une énigme depuis des années,

des questions récurrentes,

parfois légères, en suspension,

parfois pesantes et piquantes,

et l'impression de ne jamais trouver les réponses

et en lisant cet article, je trouve des évidences,

Des mots simples qu'il faudrait se répéter souvent,

pour faire face au grand manipulateur chrono-maître.

perles

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19 juin 2015

Passe ton bac d'abord

Cette année encore, j'ai suivi et guidé des lycéens dans leur préparation au bac. J'ai donc guetté d'un oeil les sujets et je leur ai trouvé cette année une certaine profondeur. Non pas que les autres années, ils sonnaient creux, mais je les ai trouvé plus forts. J'y ai entendu un écho aussi avec mes questionnements personnels (dont certains ont déjà largement été évoqués ici)...
  • Une œuvre d’art a-t-elle toujours un sens ?
  • Suis-je ce que mon passé a fait de moi ?
  • Respecter tout être vivant, est-ce un devoir moral ?

bras-bienveillance

 
19 juin 2015

Entre deux heures de cours...

Une salle des profs dans laquelle je passe en coup de vent. Odeurs de café, de papier, de parfums trop prononcés. Je me faufile vers la photocopieuse, par miracle disponible, urgence de ces pauses qui n'en sont pas. Trois collègues discutent. L'une d'elles m'apostrophe "Tiens, c'est pas toi qui va nous dire le contraire hein... Savent plus écrire nos jeunes". Et là, il se passe quelque chose de grave. Je me retourne, mon corps s'avance vers eux et des mots sortent de ma bouche, machinalement. Je m'écoute à peine parler, j'ai l'impression de réciter, du "appris par coeur". Et entre les ronflements réguliers de la photocopieuse, je m'entends vaguement prononcer ces formules qui tant de fois ont fait écho entre ces mêmes murs et dans toutes les salles des profs du monde. "C'est de pire en pire", " Y'a plus de jeunesse", "Et tout ça, c'est à cause d'internet et de tous ces écrans"... Puis je récupère le paquet tout chaud de copies que la machine vient de cracher et en remontant quatre à quatre les escaliers vers ma salle de cours, je m'arrête. Je stoppe net. C'est bien moi qui ai dit ça. Facilement. Parce que justement, c'est plus facile. C'est plus facile que le discours que je tiens habituellement, plus complexe, raisonné, réfléchi.

Ça y est, je suis devenue une vieille prof.

IMG_4161

6 juin 2015

On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans.

Cheveux attachés, assise sur un banc, mains plaquées sur le bois, dos droit. Attente.

Souvent les derniers temps, je n'ai pas mon âge.

Souvent les derniers temps, je suis bien plus jeune.

 

lunettes-bières

 

 

 

I

On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans.

- Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,

Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !

- On va sous les tilleuls verts de la promenade.

Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !

L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ;

Le vent chargé de bruits - la ville n'est pas loin -

A des parfums de vigne et des parfums de bière...

II

- Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffon

D'azur sombre, encadré d'une petite branche,

Piqué d'une mauvaise étoile, qui se fond

Avec de doux frissons, petite et toute blanche...

Nuit de juin ! Dix-sept ans ! - On se laisse griser.

La sève est du champagne et vous monte à la tête...

On divague ; on se sent aux lèvres un baiser

Qui palpite là, comme une petite bête...

III

Le coeur fou Robinsonne à travers les romans,

Lorsque, dans la clarté d'un pâle réverbère,

Passe une demoiselle aux petits airs charmants,

Sous l'ombre du faux col effrayant de son père...

Et, comme elle vous trouve immensément naïf,

Tout en faisant trotter ses petites bottines,

Elle se tourne, alerte et d'un mouvement vif...

- Sur vos lèvres alors meurent les cavatines...

IV

Vous êtes amoureux. Loué jusqu'au mois d'août.

Vous êtes amoureux. - Vos sonnets La font rire.

Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût.

- Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire... !

- Ce soir là,... - vous rentrez aux cafés éclatants,

Vous demandez des bocks ou de la limonade...

- On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans

Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade.

 

Arthur Rimbaud - 29 septembre 1870

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