Deux
jours passés chez mes parents. L'impression d'une éternité. Cela
faisait quelques temps que je n'y étais pas restée longtemps, seule
surtout. Nos visites avec Neb se résument à quelques repas dominicaux.
J'ai un peu tourné en rond. J'ai traîné là-bas, n'y trouvant plus
vraiment ma place. Certes, il y a toujours ma chambre d'adolescente,
mais je n'ai plus mes répères là-bas, ce n'est plus chez moi.
Curieusement, de nombreux souvenirs
d'ado me sont revenus. Il y avait comme des fantômes de cette période
qui filaient entre les murs de la grande maison.
Ado, j'étais une pourriture, une vraie
peste, une rebelle, une casse-couille. Rejet systématique de toute
forme d'autorité: les parents, les profs, la société (grand
mot très péjoratif que l'on ne peut s'empêcher de dire avec du dégout
dans la voix quand on a dix sept ans). Les grands classiques. On me
disait "oui" et je disais "non", on me disait "noir" et je disais
"blanc", on me disait "s'il te plaît" et je disais "merde".
Je repensais à toutes ces fois
où je ne prenais pas le bus qui devait me ramener chez moi le soir,
pour passer plus de temps à traîner avec les copains, autour d'une
bière, à fumer sans se soucier de rien.
Je repensais à ces amitiés qui
semblaient alors infaillibles et qui se sont si vite éffilochées. Les
grandes promesses "à la vie, à la mort", les projets farfelus qui font
rêver, les ambitions de changer le monde. Ils sont tous loin
maintenant, les projets comme les amis. Pas géographiquement pourtant,
mais plus rien ne nous rapproche.
J'ai tellement changé, j'ai grandi,
très vite en fait. La fin du lycée marquait l'entrée dans la vraie vie
et la fin de la rébellion gratuite et facile. Une grande claque dans la
gueule en fait. On ne lâche pas pour autant ses ambitions et ses
projets, on réalise simplement mieux, ce que c'est en vrai: le loyer,
les factures, les jobs, la vie à deux, le manque de temps, les retours
dans la tronche, les fins de mois difficiles, les menus-patates... Les
responsabilités.
Puis en fait, on devient adulte sans
même sans rendre compte. On se réveille un matin, dix ans après, pour
réaliser que le grand pas en avant est fait, qu'on est un grand, depuis longtemps déjà.