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Diane Groseille
31 mai 2010

De l'écriture et autres futilités.

Je n'écris plus. J'écris moins. Pas que je n'en ai pas le temps, car depuis début mai, mon emploi du temps s'est considérablement allégé. C'est surtout que je prends plus de recul. Je n'écris plus à chaud. Je laisse le temps filer, puis finalement, souvent, je ne juge pas utile de revenir sur certaines choses.

Il y a six ans, quand j'ai ouvert ce blog, chaque élément de quotidien m'interrogeait : n'y avait-il pas matière à écrire ? Aujourd'hui, la question se pose moins souvent. Elle reste en suspens. Puis j'écris ailleurs, comme je l'ai déjà dit souvent. Dans ce petit carnet aux pages jaunies. Dans la marge de certains documents. Sur des feuilles volantes.

Je dessine aussi beaucoup. Je ne sais pas d'où cela a bien pu me venir, mais je me plais à griffonner depuis quelques semaines sur des feuilles, des visages (ceux que j'ai en face de moi le plus souvent), des perspectives, des objets... Gamine, j'adorais dessiner en toutes circonstances, mes cahiers de cours étaient les supports parfaits. Je voulais devenir styliste. Je suis devenue enseignante et j'ai cessé de dessiner.

J'aimerais reprendre ici mes mots avec plus de régularité. J'atteins bientôt les mille messages et je ne voudrais pas voir ce "lieu" à l'abandon. Lui qui m'a tant de fois laissée dans le doute me procure pourtant beaucoup de satisfaction. Alors attendez-vous au retour de Diane !

***

trousse

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1 mai 2010

La photo de Thomas K.

miroir

Un grand bonhomme tout de noir vêtu au milieu d'une salle d'un blanc impressionnant. Il nous parle de peinture et de photographie. Je suis en sortie avec mes élèves dans une expo d'art contemporain. Les photos suspendues aux murs laissent mes étudiants songeurs. Intimidés par ce lieu qui ne leur est pas familier, ils osent vaguement quelques questions. Le grand monsieur en noir leur explique que la photo est un instant. Qu'elle prend de l'importance pour celui qui la voit, même si elle est mal cadrée, même si la technique a totalement échappé à celui qui l'a capturée. Elle peut devenir aux yeux de certains une richesse, même si pour d'autres, elle n'évoquera absolument rien. Et je repense à toutes ces photos jaunies et cornées qui s'empilent au fond de boites à chaussures...

Et une en particulier me revient. J'ai quinze ans. Je suis amoureuse. Pour la première fois, je crois bien. C'est quelque chose qui me ronge, qui m'obsède, qui me torture. Je ne peux plus penser à autre chose, plus rien ne m'intéresse. Je ne travaille plus en classe, je ne communique plus avec ma famille, mes amis ne me reconnaissent plus. Le jeune homme en question est blond, il a de longs cheveux, c'est un ange. Je l'ai rencontré quelques semaines auparavant alors que j'étais partie au bout de la France avec ma meilleure amie et ses parents. Pendant les vacances de Pâques, nous avions pris la route. Le beau temps n'était pas au rendez-vous et nous étions arrivés dans une station balnéaire déserte. Tout pourtant laissait imaginer l'effervescence de l'été. Elle et moi, sur des bicyclettes rouillées avons fait le tour de cette petite ville aux centaines de maisons identiques et abandonnées par des vacanciers qui ne reviendraient les occuper qu'avec l'apparition des belles journées.

Puis, dans ce contexte si particulier arrive l'ange. Il est grand, ses yeux sont rieurs, il a le même âge que moi, vit dans la même région, est en vacances avec ses parents et est le cousin de ma meilleure amie. Je suis immédiatement perdue, possédée par un sentiment dont j'ignore tout. Il ne semble pourtant pas me voir un instant. Il me paraît beaucoup plus âgé, plus responsable et sure de lui que moi. Je me souviens en particulier de cette soirée passée sur une plage déserte et froide. Il est tout prêt de moi et je bois ses paroles. Sa voix est douce et sa main touche la mienne. Nous sommes quatre assis à même le sable. Nous discutons, de tout, de rien, nous observant et nous jaugeant. Le temps passe trop vite. La semaine touche à sa fin. Il nous faut déjà repartir vers le Nord, avec l'idée impossible de retourner en cours.

Les jours passent. Je ne pense qu'à lui, je saoule mes amies de paroles creuses et futiles. J'écris son nom partout. Ma meilleure amie me dit qu'il est possible de le voir dans la matinée, tôt, alors que notre bus nous dépose devant le lycée. Elle connaît son trajet, lui qui se rend dans le lycée situé à l'autre bout de la ville. Nous l'attendons alors sur les marches froides d'un escalier, l'air de rien. Je ne sais plus s'il passe le premier jour, mais très rapidement ce rendez-vous devient incontournable : toute ma journée semble concentrée dans ces quelques minutes où j'ai l'occasion de le voir et de parler avec lui. Je pense qu'alors je devais lui paraitre complètement niaise, mon sourire naïf et mes yeux plein de petites fleurs bleues. J'aimerais revoir une de ces matinées...

Un jour, ma meilleure amie eut la bonne idée d'immortaliser un de ces instants. Elle a pris une photo avec un appareil gadget que son père lui avait ramené d'une foire. Quelques jours plus tard, elle me remettait le précieux cliché, mal cadré, flou et dont les couleurs paraissaient déjà jaunies. Et pire que tout, il n'y avait sur cette image que la moitié de son visage qui apparaissait. J'ai regardé cette photo jusqu'à l'user. Elle a trainé dans mes affaires des mois durant, je l'avais toujours sur moi. Elle s'est vite froissée, cornée. On y voyait les fameuses marches de l'escalier, la devanture d'une boutique, moi et lui, à demi. Des murs. J'aurais donné alors n'importe quoi pour la recarder et y voir l'intégralité de son sourire.

Puis un matin, sous un grand soleil, je lui ai demandé si quelque chose pouvait se passer entre nous deux. Je ne sais pas comment j'ai posé la question. Sans doute très maladroitement. Il m'a souri, il m'a dit non. Et je m'en suis retournée, honteuse et pleine de chagrin. Je n'avais pourtant rien fait pour qu'il puisse en être autrement. J'étais insignifiante, banale, effacée.

Cette passion m'a dévorée pendant quelques mois. J'en étais au point d'avoir cherché le numéro de ses parents dans l'annuaire et de laisser parfois sonner son téléphone jusqu'à entendre sa voix. Un matin de juin, ce fut le drame : je l'ai vu devant mon propre lycée avec une brune aux boucles soyeuses qui ce jour là portait des collants verts. J'ai vite su son nom, comme j'avais réussi à savoir celui de sa sœur, de ses parents, son adresse, sa classe et tout le reste. L'été a passé. Il était toujours présent pour moi, mais je me suis faite à l'idée que jamais rien ne pourrait m'aider.

A y repenser aujourd'hui, rien ne nous liait, nous n'avions que peu parlé et si peu en commun. Il ne se souvenait peut-être même pas de mon nom. Je ne sais pas ce qu'est devenue cette photo. Petit morceau de papier qui immortalise une fraction de seconde.

Après cette expo, le souvenir m'étant passé par la tête, j'ai recherché son nom sur le net. Je l'ai trouvé. Il a coupé ses cheveux. Il est photographe.

***

 

Diane Groseille
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